Tribune du Professeur Emile BONGELI Yeikelo ya Ato : “Autour d’une chanson sur l’hôpital”

Choix de la rédaction

La polémique générée par la production d’une chanson de l’artiste musicien KARMAPA sur les conditions de travail et des soins aux malades au sein de l’hôpital public Mama YEMO appelle de ma part une réflexion pouvant aller à contre-courant des simples condamnations, souvent arbitraires, des médecins qui y travaillent, et, singulièrement ses gestionnaires (que je ne défends pas) qui servent dès lors de boucs-émissaires.

De prime abord, il faut arrêter de harceler les musiciens qui, à leur manière, utilisent le pouvoir qui est le leur comme artistes pour exprimer leurs opinions sur la marche de la société. La censure d’un autre âge qu’on impose aux musiciens avait été instaurée à une époque où l’on devait veiller à ce que rien ne soit dit ni chanté contre le Guide suprême qu’on devrait, au contraire, combler de gloire. Aujourd’hui, le CESAC a été institué pour nettoyer certains contenus suspects dans les médias. Qui aujourd’hui censure les ouvrages qu’intellectuels et universitaires produisent ? Et que dire des politiciens qui désorientent les populations avec des déclarations ténébreuses alors que le pays se bute à des défis surmontables ? Et les sectes religieuses qui diffusent du n’importe quoi, désorientant et calcinant les jeunes cerveaux ? Qui censure les contenus diffus dont nous arrosent la panoplie des chaînes de télévision (locales et étrangères) et la multitude des canaux offerts par les réseaux sociaux accessibles en RDC ? Pourquoi ce déferlement violent de censure, condamnation, opprobre, etc. toujours contre les musiciens, même quand ils exaltent leurs parents ou leurs amours ? Au fond, qu’a-t-il dit, notre KARMAPA, de vraiment faux ?

N’étouffons donc pas l’imagination créatrice de nos artistes qui, dans des formes de langages propres à leur art, propagent des messages qu’ils portent plus loin que nos écrits et discours prétendument intellectuels.
Il faut reconnaitre, sans fausse hypocrisie que la situation dépeinte par la chanson concernée est bien réelle et qu’il n’a fait que dire tout haut ce que nous pensons tous, y compris les médecins et professionnels de santé de l’hôpital en question, contraints de travailler dans des conditions incroyables qu’ils ne peuvent dénoncer au risque de harcèlement professionnel.

Cependant, ce qu’il faut établir, c’est la responsabilité de cette situation désastreuse chantée. L’opinion a tendance à diaboliser les médecins traitants, ceux-là mêmes qui s’épuisent nuit et jour dans nos hôpitaux pour soigner, sauvant miraculeusement plusieurs vies humaines dans des conditions telles que chantées par KARMAPA.

Avant d’être ministre de la santé, je raisonnais comme tout le monde, propageant des opinions négatives sur les prestations des médecins. Après le contact inattendu et serré avec le champ médical, j’ai eu à apprendre beaucoup de choses, en observant les professionnels de santé en action dans des environnements pollués, contraints par un système de santé incroyablement défaillant. J’ai du respect pour nos médecins, ces héros méconnus qui soulagent et sauvent, résignés à soigner par résilience aux conditions moyenâgeuses entretenues.

L’Hôpital Mama Yemo est le plus fréquenté des Congolais et on n’y va pas que pour mourir ! Chapeau bas à nos héros de médecins.
KARMAPA nous offre ainsi une opportunité de débat sur un système de santé visiblement obsolète et absolument mortifère. Commençons par évoquer l’eldorado sanitaire colonial pour enfin chuter sur l’enfer sanitaire qui transforme l’hôpital en mouroir, en dépit de la présence des médecins bien formés qui, à l’extérieur font le buzz et, à l’intérieur sont réduits à l’incompétence.

Eldorado sanitaire colonial

L’Administration coloniale avait institué un système sanitaire adapté à la situation coloniale où des maladies tropicales qui sévissaient au Congo n’étaient pas forcément connues de la médecine moderne de l’époque, elle-même encore en état de tâtonnement. La recherche médicale avait donc constitué le pilier de la lutte coloniale contre les maladies tropicales. Il fallait, non seulement identifier les maladies locales dévastatrices, mais aussi en établir les causes, en identifier les agents vecteurs et en inventer les médicaments.

Grâce à la recherche médicale, l’Administration coloniale avait réussi à remporter plusieurs victoires sur des maladies spécifiques des régions tropicales dont certaines ont même été éradiquées. Il en a ainsi été des maladies telles que le paludisme (malaria), la trypanosomiase (maladie du sommeil), la variole, la lèpre, les pathologies intestinales, les maladies hydriques, les infections des voies respiratoires, l’onchocercose, les infections cutanées, les maladies sexuellement transmissibles dont la plus dangereuse à l’époque était la syphilis, etc.

Des mesures prophylactiques avaient été scientifiquement élaborées et mises en application, avec l’imposition de nouvelles règles d’hygiène aux populations locales. Il fut créé un réseau de formation d’infirmiers et auxiliaires médicaux commis à accompagner les médecins belges sur toute l’étendue de la colonie. Il y eut implantation massive des centaines d’hôpitaux et de laboratoires ainsi que des milliers de centre de santé et maternités.
A propos de cette merveilleuse réalisation sanitaire coloniale, l’OMS notait, dans un rapport confidentiel en 1962 : « La médecine de luxe pratiquée au Congo par les colonialistes belges fait, qu’au moment de son indépendance, ce pays a, sur le plan médical, 20 ans d’avance sur tous les pays africains. Ni le gouvernement congolais, ni l’OMS ne sont en mesure de soutenir un effort de pareille envergure. Le gouvernement congolais a compris que la politique belge en matière de santé a suscité des problèmes démographiques et économiques qui se poseront avec une acuité sans cesse croissante au cours des prochaines années ». Un autre témoignage est celui d’un Français, le Dr Lapeyssonnie qui, dans La Médecine coloniale, écrit ceci dans un chapitre réservé au Congo Belge : « Le nombre de médecins et praticiens de santé publique ainsi que la densité des établissements y atteindront des valeurs que l’on ne retrouve dans aucune autre colonie européenne ».

Les savants belges, grâce aux travaux de terrain menés en territoire colonial, ont beaucoup contribué dans la connaissance mondiale des pathologies tropicales. Ainsi, dans son discours d’octroi d’indépendance au Congo, Baudouin Ier nous avait bien prévenu : « Entretenez avec vigilance l’activité des services médicaux dont l’interruption aurait des conséquences désastreuses et ferait réapparaître des maladies que nous avions réussi à supprimer ». Ces sages propos du Roi Baudouin Ier furent, malheureusement, balayés d’un revers de la main par le discours intempestif, bien que justifié, du Premier Ministre P. LUMUMBA !

Enfer sanitaire postcolonial

Faute de réflexions politico-scientifiques locales, la RDC a été rattrapée par la réflexion internationale, généralement nocive aux pays faibles. En effet, même si les Belges n’ont pas formé de médecins indigènes (un seul médecin sorti de l’Université Lovanium à l’indépendance), le système aurait pu être sauvé si on avait pas mordu aux résolutions de la grande Conférence internationale de Alma Ata (1978 Kazakhstan) sur la santé et le développement international, avec la participation de 134 pays et 67 ONG. La Déclaration d’Alma-Ata promut les soins de santé primaires comme étant la clé de la réduction des inégalités en matière de santé entre les pays en vue de l’objectif jamais atteint de La santé pour tous à l’horizon 2000.
Le dernier paragraphe de cette Déclaration avait cependant tendu un piège non détecté, celui de l’intrusion occidentale nocive, sous une casquette humanitariste, dans les affaires sanitaires des pays pauvres : « La conférence internationale sur les soins de santé primaires demande instamment que soit lancé d’urgence aux plans national et international, une action efficace pour développer et mettre en œuvre les soins de santé primaires dans le monde entier et, en particulier, dans les pays en développement, conformément à l’esprit de la coopération technique et d’un nouvel ordre économique international. Elle appelle les gouvernements, l’OMS et le FISE et les autres organisations internationales ainsi que les organismes multilatéraux et bilatéraux, les organisations non gouvernementales, les organismes de financement, tous les personnels de santé et l’ensemble de la communauté mondiale à appuyer aux plan national et international l’engagement de promouvoir les soins de santé primaires et à lui fournir un soutien technique et financier accru en particulier dans les pays en développement. La Conférence les exhorte tous à collaborer pour instaurer et maintenir les soins de santé primaires conformément à l’esprit et à la lettre de la présente déclaration ». C’était le point de départ de la déresponsabilisation des Etats en matière sanitaire, le néolibéralisme (via ses institutions internationales) l’ayant décrétée budgétivore, au profit des coopérations multiples et variées pilotées par l’OMS, avec l’intrusion active des ONG et autres programmes répondant plus aux paradigmes extérieurs.

En RDC, c’est le temps du kengisme arrogant et triomphant, imposant l’amère pilule des ajustements structurels broyeurs du social, notamment la santé et l’éducation. Les budgets affectés à ces secteurs honnis par les experts internationaux ont sérieusement été érodés, les ressources humaines déséquilibrées et l’intervention étatique réduite aux payements du personnel. Les gouvernements qui ont suivi n’ont pas dérogé au système et se sont contenté de s’en remettre aux coopérations et ONG pour toute matière sanitaire.
Du coup, la santé publique sort du champ des visions et décisions politiques pour tomber dans le champ asséché des froids experts internationaux et des ONG (marchands de santé), marginalement appuyés par les locaux (médecins et autres) formatés à leur curieux mode de gestion du système de santé. Une gestion, disons-le ouvertement, technocratique, mécanique et nuisible, à la base du déluge dénoncé par KARMAPA, au nom de tous les Congolais, y compris ceux employés à l’hôpital décrié. Je dirai même au nom du plus grand nombre de citoyens congolais incapables de s’offrir les transferts à l’étranger ou de supporter les frais sucrés des soins dans les polycliniques privées installées au pays.
Le résultat est donc là, comme chanté : il ne reste plus rien, ou presque, de l’impressionnant joyau médical hérité de la colonisation, qui attirait sur notre sol des riches Sud-Africains. Nos hôpitaux sont tous, ou presque, réduits aux conditions chantées. Infrastructures insuffisantes, délabrées et démodées, appareillage médico-sanitaire vétuste ou tout simplement inexistant, médecins et paramédicaux mal payés et démotivés, carence de subsides de l’Etat, inexistence d’un système de distribution des médicaments, etc.
KARMAPA a donc raison sur toute la ligne. Même les médecins et autres professionnels de santé le savent et le disent tout bas, parfois même tout haut.

Il importe de le savoir, les études médicales et paramédicales sont les plus longues et les plus exigeantes. Comprenons donc le choc psychologique de nos médecins œuvrant en interne : après avoir consenti tant d’années d’études pleines (8 ans sans vacances en raison des stages obligatoires), après être contraints à tant de démarches pour se voir inscrire au tableau de l’ordre après une année supplémentaire de training obligé… ils se retrouvent, dans leur vie professionnelle, contraints à la résilience de se débrouiller dans les conditions chantées. C’est donc arbitraire et même malhonnête d’infliger une amende à ce lanceur d’alerte de musicien !

En effet, en RDC, la médecine bureaucratique a pris le dessus sur la médecine curative qui se pratique dans les hôpitaux. La bureaucratie sanitaire bénéficie seule de l’attention financière des coopérations bi et multilatérales occidentales, en ce compris les aides des organisations onusiennes. La lutte contre la maladie se passe dans les bureaux climatisés, dans les grands restaurants, dans les interminables séminaires de formation, etc. On se hasarde à ce jour aux suivis irréfléchis des recommandations internationales dictées par l’OMS et institutions alliées qui organisent dîners, voyages, campagnes, ateliers, conférences et autres séminaires de réflexion, de formation ou de renforcement des capacités jamais éprouvées… Tous ces déploiements ajoutent davantage de quoi affaiblir un système de santé fragilisé et en démolition. Le phénomène d’agencification décrite par F. MUKOKA a tué les structures administratives étatiques. Des dizaines des Programmes ou Projets bureaucratiques grassement financés prétendent lutter contre les maladies dans les bureaux, sans le moindre leadership étatique. La recherche médicale non soutenue ne se fait plus que dans le cadre des promotions individuelles. Pourtant, on gagnerait davantage en efficacité si on avait entrepris seulement de sauvegarder le riche héritage colonial en la matière !

L’histoire démontre que tous les pays qui ont assaini leurs environnements sanitaires l’ont fait grâce à des actions publiques menées par des Etats responsables, souvent sans aide occidentale. Les soigneurs occidentaux des plaies causées par des guerres commanditées par leurs propres gouvernements civilisés et civilisateurs sont financés par ces derniers mêmes qui déploient ici leurs institutions internationales ainsi que leurs ONG réparatrices et donneuses de leçons. Contre toute précaution éthique, les organismes internationaux, l’OMS en tête, médiatisent à outrance leurs projets aux intitulés médiatico-humanitaires, tels : Halte à la tuberculose, Faire reculer la malaria, Éradication de la lèpre, Lutte contre le VIH/SIDA… Cependant, tous ces acteurs théâtraux ne peuvent en aucun cas se substituer aux États, seuls responsables de l’état sanitaire de leurs peuples. L’État congolais reste le seul à croire bien faire en leur léguant la gestion de ce secteur des plus stratégiques.
Une question à laquelle je n’échappe jamais : qu’avais-je entrepris au ministère du secteur ? C’était pour moi un mandat de combat. En sociologue critique et engagé que j’ai toujours été, je me suis confronté à la dure réalité de la coopération internationale imposée au pays. Ce qui m’a poussé à penser au passage D’un Etat bébé à un Etat congolais responsable (2008). En 2005-2006, j’ai pu pénétrer la réalité du modus operandi des coopérations onusiennes et occidentales ainsi que des ONG, en majorité occidentales ou dérivées qui œuvrent massivement dans le secteur. Au-delà de leur réputation de caritativistes et humanitaristes claironnées dans les puissants médias occidentaux, une constante se dégage : aucun de ces intervenants ne vient opérer pour des raisons purement humanitaires. Les résultats de ces multiples interventions chiffrées en millions de dollars américains restent globalement mitigés et sans impact durable, exception faite de la coopération espagnole qui a construit l’imposant hôpital de Monkole à Kinshasa (comparativement à l’H.G. Roi Baudouin de Masina !). Il y a prédominance de la donne politique, notamment les chantages politico-diplomatiques qui les sous-tendent. C’est ainsi que Karel De Guth, alors responsable peu éduqué (sic, presse belge) de la diplomatie belge, revendiquait un droit moral sur la conduite de la RDC du fait des virtuels 200 millions d’Euros unilatéralement et arbitrairement évalués et non ventilés que le Royaume de Belgique consentirait annuellement à la RDC au titre de coopération médicale !

A propos de l’OMS, c’est au cours de ce mandat de combat que j’ai eu l’occasion de fréquenter les couloirs de cette institution et de découvrir qu’elle couvrait la haute maffia entretenue par des fabricants des médicaments aux habitudes peu éthiques. Je compris dès lors que le fait de compter sur elle constituait la meilleure façon de perpétuer certaines maladies rentables qui font l’affaire des industries pharmaceutiques, essentiellement occidentales. La COVID19 vient de renforcer cette conviction en étalant au grand jour les conflits d’intérêts qui sous-tendent, à l’échelle mondiale, les actions stratégiques des animateurs de cette organisation au-dessus de tout soupçon. J’ai eu à relater dans mes écrits antérieurs quelques faits vécus en rapport avec la lutte contre certaines maladies qui illustrent le gros business opéré par toutes les instances qui interviennent dans le secteur de la santé, OMS et Banque Mondiale comprises et en tête. Quand je relis l’extrait ci haut-cité du rapport de l’OMS de 1962, je décèle qu’il reprochait aux Belges d’avoir instauré une médecine de luxe pour les Congolais et que cela allait se répercuter sur la démographie inquiétante pour le malthusianisme occidental.

Je note en passant que mes relations avec les coopérants de l’Union Européenne curieusement étaient des plus conflictuelles. Ces experts douteux se sont agités chaque fois qu’une initiative ministérielle heurtait leur condescendance. Ils se permettaient d’assiéger le ministre pour des explications jusqu’à lui proposer des pots-de-vin pour obtenir changements périlleux d’avis, sans savoir à qui ils avaient affaire : par exemple lorsque je me suis opposé à l’idée me suggérée d’interdire l’importation des produits pharmaceutiques indiens, à l’imposition de la combinaison antipaludique artésunate-amodiaquine sans quinine ; ils se sont agités également lorsque j’ai autorisé un sujet arabe de sauver de la ruine le gigantesque bâtiment qui servait de dépôt pharmaceutique national ; lorsque le premier lot des matériels médicaux commandés par l’Etat pour hôpitaux publics et exécutés correctement par un opérateur économique congolais (non encore payés à ce jour) a été réceptionné ; lorsque l’Etat congolais livre les premiers ARV anti VIH/SIDA en se passant de l’intervention des fonds de la Banque mondiale logés dans les comptes des institutions créées à cet effet et dont le décaissement devait être autorisé par Washington après chantages et humiliations, au mépris de toute interférence locale, gouvernementale soit-elle ; lorsque l’on prend option de réhabiliter le bâtiment abandonné et déclaré irrécupérable par les experts occidentaux et qui sert aujourd’hui comme Hôpital du Cinquantenaire grâce à l’expertise chinoise… Je note aussi que, en refusant ne fut-ce que d’accuser réception de la demande d’agrément, l’OMS a contraint la PHARMAKINA de fermer la chaîne de production qu’elle a montée sur financement propre avec le concours des scientifiques asiatiques.
Sur l’Hôpital du Cinquantenaire, l’idée de sa construction était d’en faire un hôpital général de référence qui devrait remplacer celui décrié dans la chanson, qui était déjà hors norme depuis longtemps. Nous qui l’avions imaginé centre de référence continuons à nous demander pourquoi on a confié ce joyau étatique à des gestionnaires privés étrangers qui l’ont rendu inopérant, tandis que les malades continuent à affluer vers la piteuse institution hospitalière Mama Yemo : un véritable gâchis !

Que faire pour contredire KARMAPA ?

Il y a beaucoup à faire, à faire courageusement et sans complexe. On devra avant tout se ré-inspirer de la science pour restituer au système médical congolais ses lettres de noblesse. On devra rompre avec la médecine bureaucratique, celle des programmes, des séminaires et autres campagnes pour renouer avec la médecine curative, celle des hôpitaux, des centres de santé et dispensaires, des laboratoires biomédicaux, des pharmacies qu’il faut équiper en référence à un standard moderne minimum. Il y a ensuite la médecine préventive qu’il sied de réhabiliter, celle des services d’hygiène et des mesures prophylactiques adaptées à notre environnement. Il y a enfin la recherche médicale et pharmaceutique à relancer, la recherche pour homologuer certaines pratiques médicales ou paramédicales dites traditionnelles…

Le pays devrait donc orienter les réflexions sur la restauration d’un système de santé adapté, avec l’option d’une reprise en main responsable par l’État du leadership ainsi que des dépenses y afférentes. Ne pouvant nous lancer dans les recherches très avancées dans le monde en cette ère des nanosciences, l’adoption d’un bon programme d’enseignement et des stages appropriés dans des formations médicales mieux pourvues peuvent aider les médecins congolais et autres professionnels de la santé, qui opèrent bien des miracles dans des conditions de travail épouvantables, à améliorer leurs performances si de meilleurs cadres de travail sont mis à leur disposition.
Les recherches locales devraient avant tout porter sur la prévention des maladies dites négligées par l’Occident, dont celles dites des mains sales par des mesures appropriées d’hygiène corporelle, alimentaire et environnementale, étant entendu que la réduction de la morbidité et de la mortalité dans le monde doit davantage à l’hygiène et à l’alimentation qu’à la quantité et/ou la qualité des pilules avalées. L’état d’insalubrité de nos espaces de vie offre des terrains fertiles à la reproduction microbienne et, donc, des cadres idéaux pour la propagation des maladies et la réapparition des maladies autrefois éradiquées par le système de santé colonial.

La marchandisation de l’art de guérir à laquelle sont forcés les opérateurs de santé est due à la défaillance de l’Etat qui obéit aux impositions néolibérales très allergiques à toute forme de gratuité des soins en faveur des populations dont on connaît par ailleurs le niveau de pauvreté.
Les recherches en santé devraient également s’intéresser aux problèmes de nutrition, étant donné que la sous-alimentation, la malnutrition et même la surnutrition sont causes de morbidité et de mortalité qui frappent toutes les couches de la population. Les nutritionnistes devront s’employer à étudier les diverses habitudes alimentaires des populations congolaises, à en fixer les déterminants socio-mystico-religieux, à relever les différents tabous alimentaires et leurs justifications, à inventorier les produits les plus consommés et à en envisager la production locale, à proposer des stratégies pour l’amélioration de la qualité des mets locaux en fonction des possibilités de la production locale. Le travail amorcé par Théophile MBEMBA, Marie-Claire YANDJU, et les autres devraient être poursuivis sur financement public.
Les études devraient également concerner les maladies dues à des modes de vie et à des types de travaux, même dans le monde rural. Déceler les causes sociales des maladies, dont celles dites modernes, consécutives aux stress qui rongent psychologiquement les acteurs sociaux soucieux des lendemains incertains… aiderait à lutter contre les nombreuses pathologies qui déciment nos populations par ignorance, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Qu’on se souvienne des braves religieuses catholiques qui, soignant les enfants atteints de kwashiorkor, voient les mêmes enfants soignés et libérés par leurs soignants, leur revenir avec les mêmes symptômes, les causes de la maladie n’ayant pas été combattues.

La médecine mentale devrait également intéresser les chercheurs en vue de rendre le sourire et la gaieté aux populations que menacent constamment les violences quotidiennes de la vie.
Un autre volet de recherche tout aussi important concerne la production pharmaceutique. Les soins administrés par la médecine moderne ne le sont que par des produits pharmaceutiques importés de l’étranger. Ici aussi, la magie des taxations étatiques fait que les importateurs sont favorisés par rapport aux producteurs, ce qui ne favorise guère l’érection d’une industrie pharmaceutique locale. Pourtant, les recherches locales peuvent aider à exploiter les vertus pharmaceutiques pragmatiquement prouvées de plusieurs plantes autochtones, endémiques dans les divers éco-climats du pays. Cette chimie des plantes est à notre portée et ne nécessite pas nécessairement des équipements sophistiqués. Dans ce cas, le pays pourrait être relativement moins dépendant des produits étrangers, au moins pour lutter contre les grandes endémies identifiées qui déciment des populations entières. Aujourd’hui, le pays ne résisterait pas au moindre embargo qui le frapperait, comme cela a souvent été le cas par le passé. C’est grâce aux importations des médicaments indiens que le pays a bravé les embargos européens des produits pharmaceutiques imposés à la suite du vrai/faux massacre des étudiants de Lubumbashi !

En guise de conclusion : cessons de menacer KARMAPA qui a dit vrai
La santé est un de ces secteurs qu’un Etat responsable ne peut céder aux privés seuls, étrangers de surcroît. En obéissant mains nues et tête baissée aux prescrits des institutions onusiennes et internationales, sanitaires et financières, toutes occidentales, la RDC se livre à la merci des technocrates irresponsables, des petits experts douteux tenus pour savants. Or les problèmes de santé, en général, restent liés à la salubrité publique, à l’hygiène alimentaire et aux soins de santé dans des hôpitaux et centres avec un minimum d’équipements de routine. Ici, malgré la prolifération des ONG qui opèrent à grand renfort de publicité ou des officines médicales privées sensées remplacer, dans l’entendement des coopérants néolibéraux, l’effort collectif à travers l’action étatique, on est loin, très loin d’avoir résolu le moindre problème de santé en RDC. Bien au contraire, on se retrouve bien réellement dans la catastrophe sanitaire chanté par KARMAPA.
Voilà les conditions dans lesquelles fonctionnent notre système de santé qui privilégie la bureaucratie sanitaire au détriment des hôpitaux et autres lieux de soins. OUI, KARMAPA a raison, mille fois raison. Agissons pour lui ôter cet avantage d’avoir raison.

Kinshasa, le 06/10/20.

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