Tribune de Ruth Ngwanza
Un cercueil, une réconciliation des cœurs entre la RDC et la Belgique, des obsèques grandioses, des hommages et animations coutumières sur sa terre natale, le Sankuru et sa terre d’accueil, la grande orientale, une cérémonie de réconciliation coutumière au Katanga, terre de son assassinat puis une sépulture. Voici les différentes séquences profondément spirituelles, qui ont caractérisées le retour Lumumba sur sa terre.
Et si au-delà de la première alternance pacifique, les élections Nangaa ouvraient une réelle possibilité du retour du Congo dans le cercle des géants ?
« En RDC, on veut reconstituer autour des pères de la nation, un socle national très mis à mal ces derniers temps », avait affirmé dans une interview sur France 24, l’historienne Karine Ramondy, chercheuse à la Sorbonne, parlant du retour des restes de Patrice Lumumba dans la terre de ses ancêtres.
Plus de 61 ans après son assassinat au Katanga, le cercueil des restes de Patrice Emery Lumumba, Héros national congolais est rentré le mercredi 22 Juin 2022 en République Démocratique du Congo, terre de ses ancêtres.
Après le Sankuru, Lumumba ville, terre natale du héros national, ses restes sont arrivés à Kisangani, capitale de l’ancienne Grande Orientale. A l’esplanade de la grande poste, lieu de son premier emploi, les hommages, les témoignages, les animations coutumières et culturelles se sont succédés dans une ambiance remplie d’émotion où pour plusieurs observateurs, c’était la première reconnaissance de la patrie, à cette province Martyr mais nationaliste et patriote.
La Grande Orientale avait porté, aimé et protégé Lumumba dans un esprit nationaliste alors que déjà, plusieurs provinces sous influence des forces impérialistes, affichaient une volonté d’indépendance. Soixante et un an depuis son assassinat, avec une vingtaine d’années des pouvoirs Kabila père et fils, des régimes lumumbistes déclarés, c’est le régime Tshisekedi, issu de la première passation pacifique entre un système sortant et son plus farouche opposant, qui offre une sépulture, à Patrice Lumumba, père de l’indépendance congolaise.
De l’alternance pacifique au sépulture du héros national, faut-il y voir un appel du destin pour une implication décisive de la Grande Orientale au retour de la RDC, dans le cercle des géantes nations ? Un observateur averti de la vie politique congolaise répond par l’affirmatif.
Lorsqu’aujourd’hui encore certains, dans les réseaux sociaux, n’hésitent pas à attribuer à Corneille Nangaa, ce dernier nom de la grande orientale, qui a marqué comme avant lui, les généraux likulia, Singa, héros de guerre, le securocrate Nendaka, les politiques Mokonda, kasusula, Bongeli, Babandoa et les autres, positivement la vie publique congolaise, le maitre d’œuvre de l’alternance pacifique assume son bilan d’expert électoral mais ne se sent pas concerné par la gestion du régime actuel. ” Je n’ai pas encore bien identifié la raison de ce débat autour de ma personne comme ancien Président de la CENI. Voudriez-vous me dire ce qu’on cherche réellement ? “, s’est interrogé Corneille Nangaa en s’adressant à un internaute.
” Nous sommes en 2022. Les élections de 2018 sont passées depuis près de 4 ans maintenant. Elles sont derrière nous. J’en ai été l’un des acteurs majeurs, ce que j’assume “, a-t-il insisté.
L’Organisation et le management pointus des scrutins de 2018, dans un environnement plein d’incertitudes et de méfiance entre parties prenantes, la CENI de Nangaa a annoncé des résultats dans le calme sans effusion de sang et surtout sans un coup de balle. La RDC a vécu la première alternance pacifique, plusieurs décennies après son indépendance, grâce au travail acharné de ce fils de la Grande Orientale. Pour la toute première fois dans l’histoire de la RDC, nous avons un ancien Président de la République vivant et libre dans son pays et un nouveau Président en fonction. Le Rapport général sur le processus électoral a été présenté à l’Assemblée Nationale en conformité avec la loi organique de la CENI.
Il sied de rappeler que ce rapport a été adopté avec applaudissements effectués debout (standing ovation) par la représentation nationale.
” J’ai fait ma part pour l’avancement de ce pays, le pays de tous les congolais que nous sommes. Je suis en fait l’acteur de L’ALTERNANCE. Non seulement j’assume, mais aussi j’en suis fier. L’histoire appréciera“, a poursuivi le Président honoraire de la CENI. ” Je n’ai nullement l’intention de prétendre que tout était parfait. Cependant, dois-je aussi répondre de la gouvernance du régime actuel ? Il y a des compatriotes qui estiment que je suis responsable. C’est bien leur droit et je respecte leurs opinions. C’est tout de même de l’amalgame et un raccourci dangereux et subjectif “, a-t-il déclaré.
A l’heure où les prières des congolais vont dans le sens de voir la RDC revenir dans le cercle des géants, beaucoup sont ceux qui pensent que la Grande orientale, nationaliste et patriote devrait participer à très haut niveau à l’action publique pour redresser le pays.
La Grande Orientale et non la Grande orientée
La République a souvent eu besoin de meilleurs et dignes filles et fils de ce coin du pays pour son fonctionnement. Le général d’armée Singa Boyenge, héros de guerre a combattu la sécession du katanga en 1963 et la rébellion des troupes de l’Est un an plus tard, il combat contre jean schramme au kivu et dans la province orientale. Après la guerre des 80 jours où il réussit à repousser les envahisseurs du territoire zaïrois, il fut nommé gouverneur militaire du shaba, l’ex grand Katanga. Général d’armées Likulia Bolongo Norbert, membre d’honneur de la cour suprême de justice militaire des Etats-Unis, membre de la Cour d’appel de Washington DC, il a été notamment patron de la sureté de l’Etat, ministre de la défense et dernier Premier ministre du maréchal Mobutu qui a assuré une entrée en douce des troupes de l’AFDL à Kinshasa pour mettre un terme à plusieurs décennies de dictature en RDC.
Mozagba plusieurs fois ministre important du dispositif Mobutu ou encore Kasusula, représentant la société civile de la province orientale, il fera trembler Mobutu à la Conférence nationale souveraine refusant même de prendre un poste de ministre, laissant ainsi sa place à Lombeya.
Dans cette lignée vous avez des plus jeunes noms comme Odette Babandoa, Dame de fer, à 33 ans première femme PDG d’une entreprise publique au Zaïre, première femme à occuper un ministère aussi technique que celui des Transports et Voies de Communication, avec 13 entreprises importantes sous sa tutelle, où elle marquera son passage d’un bilan positif, Corneille Nangaa le dernier nom de la grande orientale, qui a laissé des traces indélébiles, celles de la première alternance pacifique au pays de Lumumba. Plusieurs observateurs affirment aujourd’hui, qu’au-delà de son rôle très stratégique pour le bien du Congo, le patriotisme de la très stratégique province orientale a souvent été floué par l’immobilisme des acteurs au pouvoir.
Important grenier électoral, entre le swahiliphone et le lingalaphone, sans leader incontesté parce que nationaliste, la grande orientale est aujourd’hui appelée à se mobiliser pour sortir un leadership capable de donner une pulsion au développement de la RDC.