DOSSIER
La collaboration existant entre l’État congolais et le cabinet d’affaire Baker McKenzie défraie la chronique sur les réseaux sociaux. Des commentaires mêlés aux insultes vont dans tous les sens. D’aucuns vont jusqu’à indexer certains dirigeants comme étant coupables de « gabegie financière » derrière cette décision étatique.
Dans cette ambiance de polémique, nos confrères de Zoom Eco ont mené une petite enquête, que nous reprenons, pour comprendre les contours de ce dossier partant de son origine, son intérêt pour le pays et sa régularité.
En effet, la démarche amorcée a eu pour but de clarifier, au terme d’un échange et d’une consultation de certaines pièces, comment le processus ayant conduit à la signature du contrat entre les deux parties a été piloté, pour quelle finalité et à quel coût pris en charge par le trésor public.
De négociations à la signature de l’accord
D’après des sources recoupées, tout est parti de la sollicitation de Baker McKenzie par le Cabinet du Président de la République, pour établir une radioscopie de l’économie congolaise en vue de proposer un Plan d’intervention adapté pour la relance économique.
En septembre 2019, lors de son passage à New-York à l’occasion de l’Assemblée générale de l’ONU, le Chef de l’État a pu s’entretenir avec les responsables de McKenzie dans le but d’approfondir les échanges sur les orientations fondées sur les attentes de l’État congolais par rapport à cette collaboration.
Un mois plus tard, le projet du programme y relatif sera proposé par McKenzie et transmis à la Présidence de la République. Il était fondé sur une nouvelle approche d’appréhender les goulots d’étranglement qui minent le redressement économique et l’harmonisation des relations avec les partenaires bi et multilatéraux de la Rd Congo.
Dans la perspective de formaliser la collaboration avec l’État, au-delà de la Présidence de la République, le Gouvernement sera impliqué dans cette démarche pour approfondir les discussions techniques avec McKenzie. Cet exercice sera donc confié à la Primature et au ministère des Finances par le Président de la République.
À l’issue du travail technique qui s’en est suivi, un engagement avait été conclu avec la firme Baker McKenzie sous la supervision du président de la République et du chef du Gouvernement, et dont le premier livrable serait la production d’une feuille de route sur les réformes clés à entreprendre.
En mai 2020, le Conseil des ministres a planché sur le dossier à deux reprises. D’abord, lors de la 30ème réunion qui a permis aux membres du Gouvernement de passer en revue le Programme d’urgence multisectoriel d’atténuation des impacts de Covid-19 (PMUIAC) nécessitant la mobilisation des fonds auprès des partenaires de la Rd Congo.
Ensuite, la réunion qui a suivi le 15 mai au cours de laquelle le chef de l’État a lui-même souligné la nécessité de concrétiser l’accompagnement de McKenzie dans la recherche des financements innovants en faveur du PMUAIC. Cette décision gouvernementale sera non seulement approuvée.
D’une collaboration à divers avantages
Au départ, apprend-on des mêmes sources, la proposition de contrat faite par McKenzie consistait à apporter une assistance au Cabinet du chef de l’État congolais dans le cadre de l’élaboration d’une feuille de route de reformes sur les transformations économiques. À cela s’ajoutent le conseil souverain et le mandat.
Cependant, l’option définitive coulée dans le contrat stipule : « la formulation des réformes économiques et de la recherche des financements innovants pour l’économie nationale. »
En effet, le PMUAIC qui a pour objectif de limiter la détérioration du bien-être social et de servir de balise à la relance économique c’est une mobilisation des fonds évalués à 2,6 milliards USD pour sa mise en œuvre étalée sur une période de neuf mois.
Il a été conçu pour financer des mesures et/ou actions d’urgence structurées en trois axes, à savoir : 15% (soit, 391 593 300 USD) pour la riposte sanitaire ; 41% (soit, 1 070 355 020 USD) pour l’atténuation des effets sur le cadre macroéconomique et le soutien à la relance des secteurs productifs ; et 44% (soit, 1 148 673 680 USD) pour la préservation des conditions de vie de la population pendant cette période de crise.
D’après le document officiel, environ 20% du financement global (soit, 522,1 millions USD) devrait être pris en charge par l’État, 23% (soit 600,4 millions USD) à identifier auprès des bailleurs et 57% (environ 1,5 milliards USD) la partie à rechercher.
Si, au regard de cette répartition environ 80% de fonds sont à mobiliser à l’international, cette tâche sera accomplie, conformément aux termes du contrat, avec l’accompagnement de McKenzie. Bien plus, d’autres réformes économiques devront être définies grâce à l’appui de ce cabinet de notoriété internationale. Il s’agit notamment des reformes qui touchent le domaine de la lutte contre la corruption et le blanchiment des capitaux.
Voilà, les deux livrables que Baker McKenzie est appelé à fournir, à terme, au Chef de l’État, Félix Antoine Tshisekedi et au Gouvernement Ilunkamba.
D’un Comité de suivi bipartite institué
A fin juillet 2020, révèlent nos sources, une Commission chargée du suivi de l’exécution du contrat signé entre McKenzie et la Rd Congo a été créée par le directeur du Cabinet ai., Eberande Kolongele, sous le leadership du chef de l’État lui-même. C’est cette création qui va formaliser le groupe ayant pris part aux travaux préparatoires à la formalisation dudit partenariat.
Autant la Présidence de la République a délégué ses représentants pour la mise en œuvre efficace du contrat sus-évoqué, autant le Gouvernement, à travers la Primature, le ministère du Plan et le ministère des Finances ont désignés, chacun, deux membres.
Des analystes avec qui nous avons échangés estiment que la responsabilité de veiller à une meilleure exécution de ce contrat incombe à cette bipartite qui devra, in fine, rendre compte au peuple sur ce qui a été fait.
« En considérant que le pilotage du suivi est assuré par la Présidence de la République, il est impérieux que, dans ce contexte de polémique, une communication soit faite pour rassurer le peuple congolais de la régularité de ce contrat et du suivi étroit de son exécution. Pourquoi ne pas instaurer des rapports périodiques sur l’état d’avancement ? », s’est interrogé un citoyen préoccupé.
Cette communication, soutient un expert en la matière, aura tout son sens pour couper court à la spéculation et à toute incompréhension autour de ce dossier pour lequel certaines personnes mal intentionnées veulent détruire, attribuer la paternité exclusive à certains membres du Gouvernement dont le ministre Sele Yalaghuli en le rendant coupable dans l’opinion.
Tshisekedi : « je réaffirme mon engagement à la mise en œuvre du PMUAIC-19 »
Au demeurant, ajoute un analyste, les acteurs politiques et le peuple congolais devraient non seulement exiger la redevabilité mais aussi redoubler de la vigilance pour que les fonds qui seront empruntés servent réellement, tel que le souhaite le chef de l’Etat, à des actions et/ou priorités pour lesquelles ils ont été mobilisés.
Cette démarche aura l’avantage de prévenir les détournements des deniers publics ou leur réaffectation à d’autres tâches de consommation plutôt de soutenir la relance économique.
Il y a lieu de noter une certaine convergence de vues autour du fait que McKenzie a trouvé la Rd Congo très avancée dans son processus de renforcement des relations avec les institutions de Bretton Woods dont le Fonds monétaire international (FMI) qui a même décaissé à deux reprises de financements au titre de la Facilité rapide de crédit (FRC) en faveur du Gouvernement.
Cela vaut également pour la mise sur pied de mesures dans le cadre du plan de relance de l’économie nationale.
Zoom Eco/Ruth Ngwanza