Lors de la rentrée judiciaire du 15 octobre dernier, le Président de la Cour de Cassation, David Christophe Mukendi Musanga, a fait une proposition relative à la suppression des immunités des poursuites et privilèges de juridiction, qui selon lui, font obstacles aux poursuites des personnes qui en sont bénéficiaires.
Le magistrat David-Christophe Mukendi Musanga, a démontré que ces droits fragilisent le Parquet dans sa mission de poursuivre les infractions commises par certaines autorités.
Cette proposition a suscité tout de même des réactions au sein de toute la classe sociopolitique de la République Démocratique du Congo « RDC ». Clairement, elle n’est pas la bienvenue tant chez les parlementaires du FCC-CACH qu’à ceux de l’opposition.
Pourquoi les élus nationaux ne sont-ils pas favorables à la proposition du patron de la cour de cassation ? S’interrogent certains congolais.
D’aucuns estiment que la suppression des immunités des parlementaires contribuera à l’instauration de l’Etat de droit que prône le Chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, où tout le monde va répondre de ses actes devant la justice. Pour ce faire, une certaine opinion parlementaire estime que la suppression des immunités amène la République Démocratique du Congo à la révision constitutionnelle, car c’est la constitution qui octroie cette prérogative aux parlementaires.
« Certains parlementaires sont des mafieux et ils profitent de leurs immunités pour commettre des infractions sachant qu’ils ne seront pas arrêtés immédiatement, si le bureau de l’Assemblée Nationale ou le Sénat n’a pas encore donné son quitus. Plusieurs fois, l’Assemblée Nationale n’a pas facilité la justice congolaise à faire son travail comme tel. Je prends un exemple parmi tant d’autres : La justice avait demandé au sénat de lever des immunités de son Président Alexis Thambwe Mwamba, afin qu’il réponde de ses actes dans l’affaire qui l’avait opposée à la sénatrice Bijoux Goya, nous connaissons tous la suite », a fait savoir Emilien Mutoka, étudiant en sciences politiques à l’université pédagogique nationale.
L’article 107 de la loi fondamentale de la RDC souligne que « Aucun parlementaire ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. Aucun parlementaire ne peut, en cours de session, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée nationale ou du Sénat selon le cas. En dehors de session, aucun parlementaire ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée nationale ou du Bureau du Sénat, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive. La détention ou la poursuite d’un parlementaire est suspendue si la Chambre dont il est membre le requiert. La suspension ne peut excéder la durée de la session en cours ».
Interrogée par la rédaction du journal Les Défis-Congolais, la députée nationale Colette Tshomba qualifie la position du Président de la cour de cassation d’une simple réflexion que chaque individu est libre d’émettre tout en affirmant que la question des immunités est réglée par la constitution : « À mon avis, ce ne qu’une réflexion. La référence dans notre pays à ce qui concerne toutes les matières juridiques est réglée par la constitution y compris la question des immunités. La position de la cour de cassation est une réflexion personnelle et tout le monde est libre de réfléchir sur une question donnée. Il doit se référer à la constitution car tout y est prévue ».
À en croire l’honorable député Christian Mwando il faut d’abord nettoyer la magistrature parce que, selon lui, il y a des abus commis par les magistrats qui ne sont pas sanctionnés par la loi. « Il faut se méfier de la cour de cassation. Je pense que depuis un temps les magistrats sont blanchis de tout et deviennent les meilleurs des hommes, tous les membres des autres institutions sont mauvais. Je pense que nous connaissons ce qu’un magistrat dans notre pays, les abus qu’ils commettent, les arrestations arbitraires en cascade et on n’a jamais vue ce fameux conseil de la magistrature sanctionné un seul magistrat. Je pense que la cour de cassation veut juste élargir son poulailler il voudrait faire des membres des autres institutions des gens qu’ils peuvent arrêter et rançonner à merci ».
Pour sa part, le député national Daniel Safu, s’est dit être d’accord avec la proposition du Président de la cour de cassation, si elle n’a pas pour objectif de régler des comptes mais plutôt de sortir la République Démocratique du Congo du gouffre et de renforcer la dignité humaine.
« La justice élève une nation, cela s’opère dans un caractère objectif dont nous avons besoin, mais pas dans une dimension réglementaire. A mon avis, nous n’avons pas besoin de cette justice et nous allons la combattre. Si c’est une justice pour enfin sortir le Congo du gouffre, du renforcement de la dignité humaine et la protection des civils et leurs biens nous avons besoin de cette justice. Si cela se fait dans un contexte purement national au sens d’élever la nation tel que la bible le dit : « La justice élève une nation » coup de chapeau à la cour de cassation, mais si cela doit s’opérer dans une dynamique ou l’on veut à tout prix régler des comptes aux gens, là, je ne suis pas d’accord avec cette justice qui est vouée à la disparition », a fait savoir cet élu de la Tshangu.
Christelle Vuanga, l’élue de la Funa réagissant sur la question en abordant un angle politique, a affirmé que la proposition du Président de la cour de cassation s’agissait d’un combat entre le FCC et le CACH, la coalition au pouvoir. Selon elle chacun veut anéantir l’autre : « Je ne vais pas vous répondre sur un angle technique. Je ne suis pas juriste, Permettez-moi de vous répondre sur un angle politique parce que ça saute aux yeux que c’est très politique. Tout ceci est un combat entre deux partenaires politiques qui ne s’entendent pas, je veux dire par là, la coalition FCC-CACH. Chacun brandit l’arme par laquelle il veut anéantir l’autre. Je vais honnêtement dire que si un partenaire pense qu’il veut atteindre certains députés, c’est simple, la procédure est connue, même dans le règlement intérieur, même dans les lois de la République. Nous connaissons tout ça », a-t-elle indiqué.
Dans la foulée, l’élue de la Funa estime que la suppression des immunités des parlementaires risque d’être lourde de conséquence pour les élus de l’opposition : « Dire qu’on doit annuler ou retirer les immunités parlementaires, c’est un risque. je me bats pour les droits humains. Chaque jour, je fais des rapports qui accablent les autorités de ce pays, qui bouffent l’argent des gens, qui licencient abusivement des Congolais, qui détournent les salaires des individus. Essayez d’imaginer tous ces bourreaux-là qui m’en veulent parce que je me bats pour les Congolais. Aujourd’hui, si je n’ai plus d’immunités mais je suis à la mercie de tout ça. Si on enlève à un parlementaire ses immunités, à mon sens, il n’est plus parlementaire, il n’a plus son courage de le prendre.
Rappelons que le Président de la cour de cassation a proposé que les parlementaires et les membres du gouvernement ne soient pas poursuivis uniquement pendant l’exercice de leurs fonctions. Il a argumenté que ses propositions des réformes sont « motivées par le souci de restaurer le sentiment de crainte dans le chef de ceux qui sont appelés à gérer le pays.
Landry Kamango