Requiem pour un processus électoral en panne, « l’ADCP » de Corneille Nangaa signe l’acte de décès du Bureau Kadima?

Choix de la rédaction

Par simon Kiaka

Depuis la dernière sortie médiatique de Corneille Nangaa, candidat déclaré à la Présidence de la République aux élections de Décembre, sur top Congo FM, où il avait denoncé les chiffres fantaisistes de la centrale électorale sur le nombre d’enrôlés, les critiques ne cessent de se cristaliser autour du processus électoral.

Dans une réponse voulu du berger à la bergère, le deuxième Vice-Président de la CENI, Didi Manara avait réagi aux allégations de l’expert Nangaa, devenu acteur politique. L’ADCP, le parti politique que dirige l’ex patron de la centrale électoral, a réagi de manière musclée, par un communiqué signé par son Secrétaire général, Yav Tshoz qui regrette l’occasion manquée par la CENI, de rencontrer les inquiétudes soulevées par le Candidat Président Nangaa.

« En dépit des élucubrations politiques et autres attaques personnelles dont s’est rendu coupable Monsieur MANARA, les questions de fond mises en exergue par le Président Corneille NANGAA demeurent », affirme ce communique.

Lire l’intégralité du Communiqué, dans les lignes qui suivent.

COMMUNIQUE DE PRESSE N OQQL/ADCP/SG/2023

L’Action pour la Dignité du Congo et de son Peuple, ADCP en sigle, a suivi avec indignation et étonnement l’agitation qui s’observe dans le chef de la Commission électorale nationale indépendante, CENI, dont le 2ème Vice-Président, Monsieur Didi MANARA, a versé dans des invectives triviales à l’endroit de Monsieur Corneille NANGAA, Président du Parti, qui, à l’instar d’autres acteurs et parties prenantes, a légitimement soulevé des questions de fond sur la conduite du  processus d’identification et d’enrôlement des électeurs en cours.

L’ADCP déplore que cette sortie médiatique catastrophique et indigne  pour l’image de la CENI ait été faite en mobilisant en direct, avec les  fonds de l’Etat, la Radio et la télévision nationales, ce alors même que la CENI claironne à qui veut l’entendre qu’elle n’a plus reçu de fonds du Gouvernement depuis le mois d’octobre 2022.

En dépit des élucubrations politiques et autres attaques personnelles  dont s’est rendu coupable Monsieur MANARA, les questions de fond mises en exergue par le Président Corneille NANGAA demeurent et sont les suivantes .

1 0 . Sur le plan légal, l’insertion de « l’iris » comme l’un des paramètres d’enrôlement des électeurs a été faite par la CENI en violation flagrante des dispositions de l’article 25 de la Loi N 0 04/028 du 24 décembre 2004 portant identification et enrôlement des électeurs en République Démocratique du Congo telle que modifiée et complétée par la Loi N O 16/007 du 29 juin 2016.

Cette insertion faite sans révision préalable de ladite Loi est « contra legem » et fait peser une grave hypothèque sur le processus en cours.

2 0 . Sur le plan financier, « Nous n’avons reçu aucun financement du Gouvernement depuis le mois d’octobre. Nous sommes bloqués » Ces propos ne sont pas du Président Corneille NANGAA, mais plutôt de l’actuel Président de la CENI, Monsieur Denis KADIMA, alors que le Gouvernement, à travers le Ministre des Finances, avait affirmé le contraire.

Pourquoi n’a-t-on jamais rendu public le budget du processus électoral ? Quid du plan de décaissement ?

Que fait donc la CENI pour s’assurer de la tenue des élections à bonne date, c’est-à-dire dans le délai constitutionnel et conformément au calendrier électoral qu’elle avait pris la responsabilité de publier ?

En lieu et place des invectives, l’ADCP et l’opinion attendent clarification de la CENI.

30 . Sur le plan technique, l’ADCP rappelle que le processus d’identification et d’enrôlement des électeurs comporte quatre (4) enjeux :

3*1. La délivrance des cartes d’électeurs

Pour I’ADCP, la qualité des cartes délivrées aux électeurs pose problème. Est-il concevable qu’au 4ème cycle électoral de la République Démocratique du Congo, la CENI ne soit pas capable de produire des cartes de qualité supérieure que celles produites lors des trois (3) cycles précédents ?

3.2. La constitution du fichier électoral

Un fichier électoral conforme aux standards internationaux est celui qui obéit, notamment, aux principes d’actualité, d’exhaustivité et de légalité.

En plus de la question de la légalité soulevée ci-haut, la constitution du fichier électoral risque d’achopper sur le critère d’exhaustivité du fait (i) du délai court et irréaliste réservé à la collecte des données sur terrain, (ii) de la difficile accessibilité de certaines zones, surtout celles confrontées à l’insécurité et (iii) de la perte des données collectées en raison des pannes récurrentes des machines.

Dès lors, l’ADCP émet des sérieuses réserves sur la conformité du processus d’enrôlement en cours avec les critères repris cidessus.

3.3. Les listes électorales

La fiabilité d’une liste électorale est fonction de son actualité et sa capacité à être disséquée et stratifiée par entités et par centres d’inscription. Ces derniers sont appelés à se transformer en centres de vote et bureaux de vote selon le principe : « Montre-moi où tu t’es enrôlé et je te dirai où tu vas voter. »

A cet égard, la Loi portant identification et enrôlement des électeurs précitée ainsi que les actes réglementaires y afférents imposent : (i) l’affichage journalier de la liste album pour besoin de transparence et de contentieux éventuel, (ii) la publication de la liste stratifiée par centres d’inscription et par entités et (iii) la publication des listes provisoires après traitement.

L’ADCP note avec regret que la plupart des centres d’inscription fonctionnent, quelle que soit l’aire opérationnelle, sans affichage des listes albums et aujourd’hui la CENI se contente de livrer des statistiques en termes d’agrégats. Malheureusement, même ces statistiques agrégées demeurent incohérentes.

L’ADCP exige de la CENI qu’elle se conforme à cette exigence légale de transparence, en publiant les statistiques stratifiées par centres d’inscription, par entités et par circonscriptions électorales.

3,4. La répartition des sièges

La répartition des sièges en République Démocratique du Congo se fait par nombre d’enrôlés par circonscription. C’est donc une saine compétition entre entités/circonscriptions électorales.

A ce sujet, les acteurs politiques de tous bords, et ce dans chaque circonscription, sont forts intéressés par cet enjeu.

C’est dire chacun voudrait savoir si le nombre de sièges alloués à leur circonscription connaîtra ou non des variations à l’issue du processus.

Quels que soient les défis auxquels la CENI fait face, comment compte-t-elle préserver les équilibres sur la répartition des sièges si elle ne garantit pas l’exhaustivité de l’identification et l’enrôlement des électeurs ?

A cet égard, les circonscriptions électorales où l’exhaustivité est mise à rude épreuve, notamment dans les Provinces du Nord Kivu et de l’Ituri, n’entendent pas voir le nombre des sièges de leurs circonscriptions respectives revu à la baisse.

Ceci étant relevé, l’ADCP soulève d’autres problèmes techniques dont il attend réponse de la CENI et non des injures, notamment :

  1. La CENI est tenue de faire preuve de transparence dès à présent en communiquant à l’opinion nationale les critères ayant déterminé la répartition déséquilibrée de sa cartographie, ce sous peine d’être taxée de nourrir des velléités de donner avantage à certaines aires opérationnelles tout en pénalisant d’autres.
  2. La cartographie publiée sur les centres d’inscription démontre que plusieurs centres n’ont pas été fonctionnels. La CENI doit dire au peuple congolais pourquoi ces centres n’ont pas été ouverts alors que programmés ?
  3. Pourquoi les kits d’enrôlement se retrouvent-ils entre les mains des personnes sans qualité et quelles sont les dispositions prises par la CENI pour sécuriser ce matériel hautement sensible ?
  4. Pourquoi cette proportion exagérée des machines en panne et souvent sans prise en charge ? La CENI devrait indiquer les dispositions qu’elle avait prises pour assurer le support technique et trouver des réponses aux défaillances constatées dans l’ensemble des aires opérationnelles ;
  5. Les données collectées sur terrain sont-elles de façon exhaustive remontées au Centre national de traitement ? Il ne

suffit pas de répondre par oui, mais encore faut-il être en mesure de les publier à la suite d’une requête informatique ;

  1. Prétendre qu’on est capable de collecter les données en trente (30) jours sur une aire opérationnelle procède de la mauvaise planification et d’amateurisme.

L’ADCP appelle à l’équité pour que l’ensemble des aires opérationnelles jouissent du même traitement en ce qui concerne le nombre de jours d’enrôlement.

En conséquence, si on a augmenté quarante (40) jours dans une aire opération, les autres aires opérationnelles doivent également bénéficier du même délai supplémentaire.

L’arbitraire ne peut être de mise en cette matière.

  1. Il est un fait que la méfiance est le principal écueil du processus électoral. A cet égard l’ADCP relève que certaines composantes intervenant dans la composition de la CENI persistent, non sans raison, à contester leurs représentants présumés au sein de la CENI.

C’est le cas du 2ème Vice-président, auteur de la sortie médiatique théâtrale décriée, lequel n’est malheureusement pas reconnu par la composante opposition parlementaire dont il se réclame.

Eu égard à tout ce qui précède, une évaluation objective et sans complaisance du processus d’enrôlement s’impose pour permettre de rectifier le tir et de remédier aux écueils déjà identifiés.

A l’issue du processus d’identification et d’enrôlement des électeurs, un audit sérieux conduit par des experts indépendants devra être mené pour attester de la fiabilité du fichier électoral ainsi constitué.

L’ADCP est attaché à l’amélioration de la qualité du processus électoral en République Démocratique du Congo et souhaite de tous ses voeux que le processus actuel soit meilleur que celui de

2018.

Aussi invite-t-il la CENI à assumer ses responsabilités en tant qu’organe d’appui à la démocratie et à demeurer dans son rôle d’arbitre en charge des questions techniques, sans se laisser détourner par des émotions nées du statut de certains de ses membres. 

Secrétaire Général 

Michel Yav TSHOZ

Plus d'articles

Laisser un commentaire

Dernier article