Urgence Climatique : Félix Tshisekedi invité à revérifier les outils nationaux de mobilisation et gestion des fonds

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Par Odette Mukuna

Les FIPE doit se démarquer de ses devanciers que sont le FONAREDD, la CN-REDD et le FFN.

Le 20 janvier dernier, quelques heures seulement après son investiture, Joe BIDEN, 46ème Président des Etats Unis, a signé le décret portant le retour de son pays dans l’Accord de Paris sur le climat. Il s’agit de la mesure phare d’une série de décrets présidentiels destinés à rétablir le leadership de Washington dans la lutte contre le changement climatique.
Le nouveau locataire de la Maison Blanche prévoit également d’examiner toutes les mesures prises par son prédécesseur, le controversé et atypique Donald Trump qui ont nui à la lutte contre le changement climatique.

Ce virage politique pour le deuxième pays émetteur de gaz à effet de serre au monde juste derrière la République Populaire de Chine est une bonne nouvelle dont se réjouissent les Etat et les opérateurs climatiques à travers le monde.
Ce retour du géant américain couronné par la nomination de John Kerry, l’un des géniteurs de l’Accord historique de Paris, est un signal fort que dans un avenir proche, sous le leadership d’une administration américaine plus que déterminée à laver l’affront des années Trump, une impulsion nouvelle sera donnée à la question vitale de la lutte contre le changement climatique.

Ainsi, au-delà de la nécessité pour l’ensemble des parties de redoubler d’efforts dans la direction de la réalisation de leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN) librement soumises, les pays développés, avec en tête le plus puissant d’entre eux, les USA, vont mettre conséquemment la main dans la poche. Les années qui suivent sont donc pleines d’opportunités en termes des finances climatiques. Des millions, voire des milliards de dollars américains vont être mis à disposition pour combattre les effets du réchauffement planétaire, augmenter la résilience des populations des parties du monde directement touchées, maintenir la température mondiale à un niveau inférieur à 2 degrés et poursuivre l’objectif zéro émission à l’horizon 2050.

En République Démocratique du Congo, deuxième poumon de la terre, les questions que la communauté des opérateurs climatiques se posent, non sans raison, face aux opportunités à venir sont les suivantes : quel est le dispositif national qui se chargera de mobiliser au niveau international et de gérer les fonds destinés à lutter contre le changement climatique ? La foison des structures créées à ce jour, certaines en dehors de la volonté du législateur, est-elle de nature à favoriser l’efficacité ? En plus, doit-on continuer à se servir d’autres critères des recrutements dans la désignation des animateurs de ses structures, au détriment de l’expérience et la compétence ? Quel est aujourd’hui l’état des lieux dans le domaine de la mobilisation et gestion des fonds de toutes natures que le pays a reçus pour faire face au changement climatique et prévenir ses effets en RDC ?
Il est évident qu’en tant que deuxième poumon de la terre par les immenses services environnementaux et vitaux que ses écosystèmes forestiers rendent à la planète, la RDC est bien positionnée pour bénéficier des financements climatiques importants. Cependant, à la vue de ce qui s’observe dans notre pays depuis quelques années, le pays risque de passer à côté de ces opportunités.

Et pour cause, la multitude des structures appelées à mobiliser et à gérer les fonds dans ce domaine. Les unes comme les autres n’inspirent pas confiance eu égard à leurs contre-performances endémiques.
Le Ministère de l’Environnement et Développement Durable, la locomotive qui devrait assurer le leadership et la coordination des efforts nationaux semble aujourd’hui dépassé. Supplantée par des programmes et autres projets financés par les bailleurs de fonds bi et multilatéraux, l’administration du Ministère est ruinée par plusieurs maux qui la rongent année après année. Les efforts qu’entreprend l’actuel Chef de cette administration se buttent aux mauvaises pratiques encrées depuis des décennies dans les mœurs de plusieurs fonctionnaires.

L’efficacité recherchée à travers les changements du cadre organique du Ministère en mars 2009 et en février 2017 n’est toujours pas au rendez-vous dans un ministère où les services et directions sont devenus les chasses gardées des individus. L’expérience de Claude Nyamugabu, Ministre de l’Environnement et Développement Durable, dans la conduite des affaires de l’Etat ne suffit pas encore à remettre les choses à l’endroit.
D’un autre côté, comme souligné plus haut, la coexistence d’une dizaine d’organismes nationaux, superposés les uns sur les autres, avec comme mission de gérer les fonds destinés aux actions de lutte contre le changement climatique, les chevauchements de leurs missions et surtout l’absence de coordination de leurs actions ne laissent pas entrevoir un avenir radieux, surtout lorsqu’on sait qu’il n’existe pas de passerelles de collaboration entre elles.

A cela il faut ajouter la nomination à la tête de certains d’entre ces organismes, des animateurs sur base des critères d’appartenance politique non sur base des critères d’expertise et de compétences managériales avérées.
Pourtant, le Président de la République, Son Excellence Felix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, considère l’action en faveur du climat et de l’économie verte comme à la fois une nécessité et une obligation urgente pour un avenir pacifique entre peuples. Dans le cadre des engagements contraignants pris par la République Démocratique du Congo pour atténuer les effets du changement climatique, le Chef de l’Etat accorde une importance particulière à la réduction des émissions de gaz carbonique et la préservation des forêts de la RDC.

Pour matérialiser cette vision, parmi les outils sur lesquels le Chef de l’Etat compte s’appuyer on peut citer le Fonds Forestier National et le Fonds d’Intervention pour la Protection de l’Environnement. Au regard du parcours chaotique du Fonds Forestier National, les observateurs plaident pour que les animateurs du FIPE soient nommés directement par le Chef de l’Etat dès la mise en œuvre de cet établissement. Le Chef de l’Etat ne devrait pas laisser au Ministre de Tutelle l’occasion de nommer des Chargés de Mission comme ce fût le cas avec le FFN qui était devenu la caisse personnelle des ministres exerçant la tutelle. Il faut sauver le nouvel établissement de la prédation et des causes qui ont conduit à l’inefficacité du FFN qui, selon le souhait de plusieurs cadres du Ministère, devrait redevenir une direction du Ministère de l’Environnement comme ce fût le cas du Fonds pour la reconstruction du capital forestier, en sigle FRCF.

De même, ils plaident afin que le prochain Directeur Général du FIPE, à défaut d’être une personnalité rompue de notoriété dans le domaine de l’Environnement et Développement Durable, soit recruté à l’issu d’un concours en vue de sélectionner le meilleur. Ceci pour éviter l’avènement à la tête de cet organisme d’un néophyte comme cela semble être le cas au Fonds Forestier, avec Honoré MULUMBA KALALA, qui donne du fil à retordre selon plusieurs observateurs, à ses interlocuteurs du secteur de l’Environnement et Développement Durable.

Il est inconcevable que le Directeur Général d’une structure ait une compréhension erronée de la mission de la structure qu’il dirige. « Il suffit de l’approcher pour se rendre compte de ses insuffisances en matière de connaissance de la place du FFN, ses rapports avec les services du Ministère de tutelle et plus grave, son rôle dans le cadre du programme jardins scolaires » déclare à notre rédaction un acteur du secteur.
Le Ministère de l’Environnement et Développement Durable ne manque pas de cadres capables de diriger le FFN et le FIPE. On ne vient pas apprendre les ABC du Développement Durable à la tête d’une structure à ce dédiée. Le Chef de l’Etat doit s’assurer que ceux à qui il a fait confiance pour diriger le FFN le font dans la droite ligne de sa vision environnementale.

Dans une prochaine livraison, nous reviendrons avec forces détails sur la situation du FFN quatre mois après l’installation du nouveau comité de gestion. Les échos parvenus à notre rédaction sont tout sauf prometteurs. La désillusion est bel et bien au rendez-vous.
Pour sauver le FIPE en pleine mise en œuvre, les observateurs au sein du Ministère de l’Environnement préconisent de tirer les leçons du fiasco du FFN qui ne dispose pas encore les capacités de porter et d’accompagner la vision du Chef de l’Etat de planter 1.000.000.000 d’arbres avant la fin de son mandat. Le temps passe ! A mi-chemin de 2023, le FFN ne peut brandir la preuve qu’avec la nomination du nouveau Comité de gestion, l’argent nécessaire et les hommes qu’il faut sont mis à contribution pour financer la réussite du programme du Président de la République. Le peu d’intérêt accordé par le nouveau comité de gestion du FFN au processus de conceptualisation du programme 1 milliard d’arbres et de mobilisation des partenaires de tous les secteurs pour son succès, est révélateur de ses limites managériales.
Pourtant il y a peu, le FFN se trouvait au centre de ce projet.

Dans ces conditions, le Chef de l’Etat est invité à prendre des mesures urgentes en vue de redonner espoir à la communauté des opérateurs climatiques nationaux qui ont cru et croient encore qu’il est possible de faire mieux. Au sein de leurs cabinets respectifs il ne manque pas de compétences pouvant palier à cette situation qui ne sera pas sans conséquence dans la matérialisation des actions climatiques de grandes envergures annoncées par le Président de la République devant ses homologues lors de la 74ième Assemblée Générale des Nations Unies.

Le Fonds d’Intervention pour la Protection de l’Environnement, FIPE en sigle, doit être opérationnalisé sans tarder et placé sous la direction des experts de l’Administration du ministère de l’Environnement et Développement Durable et pourquoi pas parmi les opérateurs climatiques nationaux. Il y a des leçons à tirer de l’échec de ses devanciers pour ne pas le condamner au même sort. La recherche des financements climatiques internationaux et leur gestion ne devraient plus être laissées entre des mains inexpérimentées.

La RDC ne peut se permettre le luxe de rater les opportunités d’attirer les financements dont elle a besoin pour apporter sa contribution dans la lutte contre le changement climatique.

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