Commerce avec la Russie : Faire ou ne pas faire, à qui profite –t-il ? Tribune de A. Tshisuaka

Choix de la rédaction

Alignement godillot aux occidentaux oblige, contre l’intérêt général, les décideurs congolais se lancent-ils des messages anti-russe ? « Tout sauf la Russie » ; «la Chine oui mais pas la Russie ». Voilà des formules qui reviennent depuis un moment dans le lexique de ceux des dirigeants congolais qui préfèrent l’immobilisme au nom des intérêts personnels. Les engrais russes qui font le bonheur des dirigeants du monde qui tiennent à la sécurité alimentaire de leurs populations n’intéressent pas une province à vocation agricole comme le Bas-Uélé. « Y-a-t-il pour l’âme plus de noblesse à endurer les coups et les revers d’une injurieuse fortune, ou à s’armer contre elle pour mettre frein à une marée de douleurs ? » S’interrogeait Shakespeare dans Hamlet acte III.

Depuis l’intervention de la Russie en Ukraine, les lignes des fronts semblent s’étendre très loin au-delà des régions russes, en Europe, en Asie, en Amérique, en Afrique et curieusement de façon aigue, ce qui est inexplicable, en République démocratique du Congo où la question d’être ou de ne pas être en commerce avec la Russie de Vladimir Poutine prend chaque jour de l’ampleur. Comme ailleurs dans le monde, on assiste, en RD. Congo, a la multiplicité des réactions nerveuses sur la situation de crise en Ukraine où même dans des guerres des palais, autour du Président Tshisekedi, de hauts gradés s’attaquent à coups de dénonciations pro ou anti russes. Selon qu’on a des intérêts ou pas sur l’axe USA-Europe ou Russie-Chine, certains autour de Félix Tshisekedi, ne se ménagent plus. Chacun mouille le maillot pour sa cause, les manches sont retroussées pour soutenir le partenariat traditionnel de plus de soixante ans qui a fait faire du sur place à ce géant au cœur de l’Afrique.


En effet, depuis la colonisation, la RDC est toujours avec ses partenaires traditionnels qui ne l’ont pas aidé du tout à se positionner comme grande nation et locomotive d’Afrique. Par contre, ils entretiennent des conflits armés depuis des décennies pour piller les minerais là où il faut traiter avec l’Etat pour l’aider à rationaliser leur exploitation. Ils soutiennent les pays qui agressent la RDC et n’arrivent pas à les condamner quand il le faut, laissant le Congo se battre seul, même diplomatiquement. Ils maintiennent le Congo dans une forme d’embargo qui ne dit pas son nom, l’empêchant d’acquérir des armes qui l’aiderait à restaurer la sécurité dans la partie orientale toujours en état des conflits armés depuis des décennies.


Dans ce tableau sombre de nos relations avec l’Occident, on assiste, curieusement, à un reniement, au chantage, à des pressions, à des exclusions du fait de hauts gradés du régime qui, tels de néo-colonisés, préfèrent les bonnes grâces de l’occident à des partenariats surs comme ceux avec la Russie qui a des solutions idoines à certains problèmes fondamentaux qui rongent la RDC. Ils ne ménagent plus leurs efforts pour freiner, oui freiner, parce que le changement est immuable, le déploiement commercial de la Russie au pays de Patrice Lumumba. Le mot d’ordre est donné, la chansonnette entamée et le dernier vote de la RDC aux Nations Unies, contre l’annexion des villes ukrainiennes en Russie, n’a pas plus arrangé les choses dans un pays où les dirigeants ne prennent plus le temps de la réflexion avant de lever les options.


Ceux qui sont dans le diagnostic du rôle nécessaire des relations Russie-RDC dans le développement de notre pays sont unanimes : le dernier vote de la RDC à l’ONU, bien que tronqué par le fait que le pays de Félix Tshisekedi soit sous occupations de ses voisins, a sonné dans les oreilles des décideurs congolais comme le rejet du régime à la volonté de rapprochement exprimé par Vladimir Poutine lors de la cérémonie d’accréditation de l’Ambassadeur congolais à Moscou. Les dirigeants congolais se passent le message, « tout sauf la Russie », « la Chine oui mais pas la Russie ». Pis, même les engrais russes qui font pourtant le bonheur des dirigeants du monde entier qui tiennent à la sécurité alimentaire de leur population n’intéressent pas la RDC dont la quasi-totalité des provinces sont à vocation agricole et ou un quart de la population, soit un peu plus de 27 millions de personnes, souffre de malnutrition très aigue selon le dernier rapport des instances internationales habilitées.


La machine à diaboliser n’a pas beaucoup d’effort à fournir en RDC, pour faire braquer les dirigeants qui, pour rester aux affaires, sont prêts à tout, même à maintenir « le peuple d’abord » du Président de la République dans le rang des souhaits, en oubliant superbement que la Russie de Vladimir Poutine a déjà marqué son retour dans l’arène politique mondiale. La Russie a repris des forces après deux décennies de récession et une éclipse géopolitique douloureuse marquée par l’effondrement de l’Union soviétique. Les dirigeants congolais devraient en tenir compte ne serait-ce que pour définir des politiques réalistes, en mettant nos besoins sur la table de coopération. Après plus de soixante ans de coopération avec l’occident, la dernière sortie médiatique du Secrétaire Général des Nations Unies sur la puissance de feu du M23 a sonné aux oreilles de plusieurs congolais comme un accompagnement de fin de vie de la RDC.


Les Etats-Unis, leurs alliés européens et certains dirigeants congolais inféodés à leur combat doivent comprendre qu’aujourd’hui notre pays qui a vocation à être le moteur de la région, est obligé de passer à un autre jeu. L’engrais russe, les expertises dans la production du gaz, dans la transformation de métaux stratégiques, les expertises technologiques, sécuritaires et spatiales russes n’intéressent pas la RDC ? Aux dirigeants congolais de répondre sans ambiguïté à cette question en levant des options qui conduisent effectivement à la matérialisation de la vision du peuple d’abord.


Au demeurant, la RDC a vocation d’être une zone de libre-échange ou tout le monde peut venir faire du business, bien sûr au profit du peuple. Si la Russie décide de le faire comme font les autres grandes puissances, il n y a rien, il n y a personne qui l’en empêcherait. Il est temps d’agir avec rationalité.

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